Carnet de voyage à São-Tomè, au cœur des plantations de cacaoyers Bio Commerce-Equitable

La tentation du voyage

Tous est parti de Biofach 2016. Quand Guy Deberdt, le DG de KAOKA, m’invite à se joindre à lui à l’occasion de sa prochaine mission de suivi de la filière Chocolat Bio Commerce-Equitable KAOKA à São Tomé (Afrique Equatoriale, golfe de Guinée). J’hésite un peu. En effet, une semaine entière, débranché, sur cette micro île perdue, me parait une éternité. Ai-je les moyens de ce luxe? Finalement, je me laisse tenter car je suis très attaché à ma mission de développement export pour Kaoka. Voilà des années que j’assure la promotion en Europe, au Canada et aux USA de ce chocolat bio commerce équitable de Sao Tomé. En outre, j’ai soif de connaître la source du délicieux cacao. En quelques sorte je dois bien ça aux hommes et femmes qui sont à l’origine de mon engagement personnel envers Kaoka.

Le paradoxe santoméen, le « Léve Léve »

Dès l’aérogare – en fait un hangar exigüe et vieillot – où nous débarquons à la nuit tombé je sens une délicieuse sensation m’envahir. Certes j’ai déjà rencontré différentes communautés Afro en Martinique, au Brésil, à la Réunion. Mais jamais je n’ai senti ce souffle étrange et paradoxal, grave et joyeux à la fois. C’est celui d’un peuple fataliste mais animé par une foi inébranlable dans son destin. Et pour cause, on touche là au paradoxe santoméen; un art de vivre et de voir plus loin que l’instant, qui jamais ne brade ou ne gaspille le présent. Grave mais jamais triste. Très vite on m’apprend qu’une expression locale le caractérise; « Léve Léve » qui veut dire tout simplement « tranquille tranquille, doucement ». Le tempo santoméen est une douce lenteur, au sens de prendre le temps, on le ressent au contact de chaque santoméen et santoméenne.

Les communautés de planteurs de cacao

Notre séjour est consacré essentiellement à la visite de quelques unes des 37 Communautés regroupant les plantations familiales qui fournissent le cacao nécessaire à notre Chocolat Bio Commerce-Equitable. Il s’agit de parcelles d’1 hectare en moyenne qui produisent les précieuses fèves du cacao santoméen. Nous visiterons également les infrastructures communautaires mises en place par Kaoka, en perpétuelles améliorations. Dés le lendemain de notre arrivée, un Samedi, nous enchainons les plantations de 9h00 le matin au crépuscule. A l’issue de périples en pick-up assez longs et à vive allure sur des routes défoncées, nous empruntons des pistes accidentées et détrempées jusqu’aux communautés de producteurs. Ceux-ci nous conduisent ensuite sur leurs parcelles de cacaoyers.

Le cercle vertueux du Co-développement du Chocolat Bio Commerce-Equitable

C’est là que nous rencontrons les équipes de cultivateurs encadrés des sociaux-techniciens santoméen. Ceux-ci ont été formés par Kaoka en Equateur aux techniques de pointe en matière de sélection variétale, greffage, clonage et conduite arboricole Bio. Songez qu’en quinze années certains des producteurs les plus motivés ont vu leur production à l’hectare passer de 200 kg à 1200 kg, et leur revenu progresser d’autant grâce à des prix garantis. Des parcelles abandonnées ont été restaurées procurant des revenus  à des familles entières qui ont retrouvé dignité. Les plus vaillants convertissant les autres, sous l’impulsion de son flamboyant directeur Antonio Dias, la Cooperative de Kaoka, la CECAB, s’enrichit chaque jour de nouveaux apporteurs.

Le pari fou d’André Deberdt : ressusciter l’Île Chocolat

Car Sao Tomé & Principe revient de loin. Depuis le départ des Portugais en 1975 l’archipel s’est enfoncé dans la misère jusqu’à devenir l’un des pays les plus pauvres du monde. Un comble pour cette toute jeune Républiques qui était jadis le 1er producteur mondial de cacao surnommé l’Île Chocolat. En 2001, André Deberdt le créateur de KAOKA disparu en 2012 victime du paludisme, se lance dans un défi surhumain : restructurer cette filière abandonnée et relancer la production d’un cacao de grande qualité, Bio de surcroît. Il part de zéro.

Pari magistralement gagné

Au final, quinze ans plus tard, 37 associations de producteurs représentants 2051 familles exploitant  4400 hectares ont été regroupées dans une coopérative d’exportation de Chocolat Bio Commerce-Equitable. Cette coopérative est devenue la première structure exportatrice du pays, tous produits confondus, pas seulement alimentaires ! Ce programme Bio / Commerce-Equitable est même cité à titre exemple par le Fonds International de Développement Agricole, l’IFAD une agence de l’ONU qui l’a soutenu.

A la découverte de Saint-Thomas-et-l’Île-du-Prince

Dimanche est consacré à la visite de l’île.  Déjà je me surprends à me laisser porter. D’abord par la connaissance intime de l’ile dont fait preuve Sébastien, notre directeur Filières et Qualité qui y a résidé plusieurs années, puis par le « Léve Léve » santoméen. Mais aussi et surtout, au fil des kilomètres par la beauté inviolée des paysages traversés. Toute en splendeurs l’île se révèle peu à peu.

Sao-Tomé, paradis originel?

Et quelle Île ! Tour à tour; dentelée en criques sauvages battues par l’Atlantique furie, molletonnée de luxuriance végétale, ouatée du taffetas moussu des vapeurs et nuées ou bien ourlée de plages inviolées sur lesquelles seuls veillent en chapelet des palmiers alanguis. Ivresse des arômes divins quand nous traversons une forêt d’Ylang Ylang. Puissantes effluves que diffuse la moiteur équatoriale. Puissance des éléments enfin, quand s’abat subitement sur notre caravane un déluge libéré d’un zénith zébré d’acier poli,…  Qui nous précipite dans une cabane où sur un feu de bois nous attendent de délicieux « poissons rouges » pêchés du jour et une Rosema glacée, la bière locale!

J-M Denan

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